Nekfeu veut faire disparaître les chansons inédites de ses débuts !
Le 5 avril 2011, Nekfeu signe un contrat avec un petit label indépendant, Y&W, dont le nom reprend les initiales de ses deux fondateurs-actionnaires: Yonea et Willy l’Barge. Ce contrat de deux ans porte sur un street CD et un album en studio comprenant au minimum 15 titres. En retour, Nekfeu reçoit une avance de 5 000 euros.
Y&W s’empresse de capitaliser sur ces nouveaux talents. Un mois après le contrat, le petit label dépose la marque Nekfeu à l’INPI. Et sept mois plus tard, il signe un contrat avec Because pour co-exploiter et distribuer le premier album en studio du collectif S-Crew. Surtout, il loue un studio où le collectif enregistre, au printemps 2011, les maquettes de 31 chansons, dont 13 écrites par Nekfeu.
Mais ces chansons ne sortiront jamais. En effet, les rappeurs se fâchent rapidement avec Y&W, et résilient leurs contrats en janvier 2012. Un an après, ils fondent leur propre label, Seine Zoo, dirigé par Nekfeu, puis signent une licence d’exploitation avec Universal Music, et enfin publient un premier album, baptisé Seine Zoo.
Depuis, un bras de fer oppose Nekfeu à ses anciens producteurs. Mais l’affrontement a aussi lieu dans les prétoires, via de multiples procédures. Yonea et Willy l’Barge « n’ont pas hésité à m’intimider », dira même Nekfeu à la justice, les accusant de « violences morales et physiques ». « Aucune preuve n’est apportée de ces violences alléguées », répondront les deux producteurs.
Nekfeu engage un premier procès, avec succès, pour récupérer la marque Nekfeu. Ensuite, il attaque Y&W aux prud’hommes, réclamant 26.000 euros, cette fois en vain. Mais l’essentiel du conflit porte sur les chansons enregistrées en 2011, qui ont pris beaucoup de valeur depuis le succès de Nekfeu.
En 2016, le label annonce qu’il va publier un album regroupant 13 chansons de Nekfeu datant de 2011, « d’excellents titres studio totalement inédits qui réjouiront les fans ». Ce Black album doit être distribué par Warner. Mais immédiatement, Nekfeu saisit la justice en référé. Le rappeur argue qu’il est non seulement l’interprète, mais aussi aussi l’auteur des paroles de ces chansons. À ce titre, il demande l’application d’une disposition légale rarement utilisée, une arme fatale qui permet à un auteur de s’opposer à la publication de son oeuvre: le droit de divulgation.
Le tribunal donne raison au rappeur et interdit donc la sortie du Black album, mais de manière « provisoire ». Contactés, l’avocat de Nekfeu, Jean Vincent, n’a jamais donné suite, Because s’est refusé à tout commentaire, et l’avocate de Y&W Alexandra Jouclard a répondu: « Cette affaire illustre bien les difficultés des producteurs indépendants quand les chanteurs qu’ils ont lancés cèdent aux sirènes des majors. Y&W demande à pouvoir sortir ces chansons, ou à défaut une indemnisation à hauteur des nombreux préjudices subis. Mais la sortie des chansons reste pour l’instant bloquée par l’usage par Nekfeu de son droit de divulgation, qui est une arme redoutable. C’est la première fois qu’une telle décision est prise dans le domaine de la musique. Mais Nekfeu s’oppose systématiquement à la sortie de ces chansons, ce qui pourrait constituer un abus de son droit de divulgation ».