La santé mentale s’affiche sur nos vêtements : mode passagère ou réel engagement ?

Le 10 Oct 2024 à 12:40 par Margot MARAVAL

Des slogans percutants sur la santé mentale envahissent les t-shirts et sweats des grandes marques. Découvrez comment cette tendance révolutionne l’industrie de la mode et pourquoi elle suscite autant de débats. Entre sensibilisation et opportunisme, la frontière est mince. Plongez dans les coulisses de ce phénomène qui bouscule les codes de la mode et de la société.

Résumé :

  • Les célébrités contribuent de manière déterminante à la normalisation du sujet.
  • L’industrie de la mode cherche à capitaliser sur cette tendance
  • Des statistiques alarmantes sur la santé mentale en France alimentent le débat
  • La perception de la santé mentale évolue dans les médias et la société
  • Les marques de mode multiplient les initiatives pour s’engager sur le sujet
  • Cette nouvelle tendance fait face à des défis et des critiques

« Soyez gentil avec votre esprit », « Mental health is my priority », « Il n’y a pas de mal à se sentir mal »… Ces slogans ne sont pas tirés d’une campagne de sensibilisation, mais bien des dernières collections de mode. Du géant Primark aux créateurs confidentiels, en passant par les plateformes de vente en ligne comme Amazon ou Etsy, la santé mentale s’affiche fièrement sur nos vêtements. Mais que se cache-t-il derrière cette tendance ? S’agit-il d’une véritable prise de conscience de l’industrie de la mode ou d’un simple coup marketing ? Décryptons ensemble ce phénomène qui bouleverse les codes de la mode et de la société.

Des slogans qui défilent : la santé mentale envahit nos garde-robes

Le « mental wear » fait son entrée fracassante dans nos garde-robes. Des t-shirts aux sweats en passant par les accessoires, les messages de soutien et de sensibilisation à la santé mentale fleurissent partout. Cette tendance ne se cantonne pas à un seul segment du marché : des enseignes fast-fashion aux marques de luxe, tous les acteurs de l’industrie semblent vouloir s’emparer du sujet.

La santé mentale s’affiche sur nos vêtements : mode passagère ou réel engagement ? La santé mentale s’affiche sur nos vêtements : mode passagère ou réel engagement ?

Prenons l’exemple de ce sweat à capuche arborant fièrement « This Barbie Takes Prozac », clin d’œil ironique à la poupée parfaite et aux traitements antidépresseurs. Ou encore ce t-shirt proclamant « Il n’y a pas de mal à se sentir mal », message réconfortant dans un monde qui valorise souvent la performance à tout prix. Ces pièces ne sont pas de simples vêtements, elles deviennent des manifestes portables, des déclarations d’empathie et de compréhension.

Le rôle des célébrités dans la normalisation du sujet

Si cette tendance a pu émerger et s’imposer, c’est en grande partie grâce au rôle joué par les célébrités. Des icônes de la génération Z comme Selena Gomez, Timothée Chalamet, Zendaya, Tom Holland, Bella Hadid, Harry Styles ou encore Kendall Jenner n’hésitent plus à parler ouvertement de leurs luttes personnelles avec l’anxiété et d’autres troubles mentaux.

Ces prises de parole publiques ont un impact considérable. Elles contribuent à briser le tabou entourant la santé mentale et montrent que même les personnes qui semblent avoir une vie parfaite peuvent être confrontées à ces défis. Lorsque Selena Gomez annonce sur Instagram qu’elle souffre d’un trouble bipolaire et qu’elle prend une pause pour être hospitalisée, elle reçoit un soutien massif de ses fans et de l’industrie du divertissement. Ces témoignages créent un terrain fertile pour que la mode s’empare du sujet.

 

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L’épidémie silencieuse : les chiffres alarmants de la santé mentale

Derrière cette tendance vestimentaire se cachent des réalités alarmantes. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), près d’un Français sur cinq est touché par la maladie mentale ou des troubles psychiques, soit environ 13 millions de personnes. Plus inquiétant encore, le suicide est la première cause de mortalité chez les 15-35 ans.

Ces chiffres trouvent un écho particulier sur les réseaux sociaux. Sur TikTok, les hashtags liés à la santé mentale explosent : #MentalHealth cumule plus de 109 milliards de vues, #SelfCare dépasse les 50 milliards, et #MentalHealthAwareness atteint les 25 milliards. En France, la tendance #SanteMentale compte déjà plus de 724 millions de vues. Ces chiffres vertigineux témoignent de l’intérêt croissant du public pour ces questions, et expliquent en partie pourquoi la mode s’est emparée du sujet.

Fini les clichés : les nouveaux visages de la santé mentale dans les médias

La représentation de la santé mentale dans les médias a considérablement évolué ces dernières années. Exit les clichés réducteurs et stigmatisants, place à une approche plus nuancée et réaliste. Des films comme « Happiness Therapy » (2015) et des séries comme « 13 Reasons Why » (2017), « Euphoria » (2019) ou « Normal People » (2020) offrent désormais une représentation plus juste des problématiques de santé mentale.

Cette évolution a été progressive. Dans les années 2000, Britney Spears a joué un rôle pionnier en brisant le silence sur ses propres difficultés, ouvrant la voie à une communication plus ouverte sur ces sujets. Aujourd’hui, les stars n’hésitent plus à partager leurs expériences, contribuant ainsi à normaliser les discussions autour de la santé mentale.

 

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Du podium à l’action, la mode se mobilise pour le bien-être mental

Face à cette prise de conscience collective, l’industrie de la mode ne pouvait rester en retrait. Le concept de « mental wear » est né, transformant les vêtements en véhicules de messages de soutien et de sensibilisation. Mais au-delà des slogans, certaines marques cherchent à s’engager de manière plus concrète.

Stella McCartney, figure de proue de la mode éthique, a lancé une édition limitée de son célèbre sac Falabella, orné d’un message de la poétesse Cleo Wade : « The ride is long but it leads you home » (Le voyage est long mais il vous ramène à la maison). Cette initiative s’inscrit dans une campagne plus large, « Horse Power », menée en collaboration avec le médecin et écrivain Deepak Chopra, visant à promouvoir le potentiel thérapeutique des chevaux pour la santé mentale des jeunes.

D’autres marques suivent le mouvement. Monki, label du groupe H&M, a signé plusieurs campagnes en partenariat avec l’ONG Mental Health Europe. EBIT (Enjoy Being in Transition), lancée en pleine pandémie, place les troubles psychiques au cœur de ses créations avec des vêtements amples et réconfortants, conçus comme une forme de protection.

Cette tendance influence même la conception des espaces de vente. Le concept de « safe places » (lieux sécurisants) remplace peu à peu celui de « sale places » (lieux de vente). L’exemple le plus frappant est le nouvel espace de la maison Max Mara, entièrement recouvert de peluche camel, créant une atmosphère apaisante et réconfortante.

Slogans VS Actions : les limites de l’engagement mode pour la santé mentale

Malgré ces initiatives, la tendance du « mental wear » n’est pas exempte de critiques. Le risque de « mental washing », c’est-à-dire l’utilisation de la santé mentale comme simple argument marketing sans engagement réel, est bien présent. Certains dénoncent une récupération esthétique d’un sujet sérieux à des fins commerciales.

Par ailleurs, des défis persistent au sein même de l’industrie de la mode. Le mythe du « génie créatif torturé » reste tenace, particulièrement chez les étudiants en mode qui associent encore trop souvent souffrance psychique et créativité. Ce stéréotype peut avoir des conséquences néfastes, encourageant des comportements autodestructeurs au nom de l’art.

Pour que cette tendance ait un impact positif durable, il est crucial que l’engagement des marques aille au-delà des slogans sur les t-shirts. Un soutien concret aux associations œuvrant dans le domaine de la santé mentale, des politiques d’entreprise favorisant le bien-être des employés, ou encore des campagnes de sensibilisation à long terme sont autant de pistes à explorer.


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