Jarod adresse une lettre à Booba !
En ce dimanche 1er novembre, Jarod a décidé d'envoyer un message à Booba via ses réseaux sociaux et a demandé à ses fans de "partager pour qu'il la lise".
Voici son message :
Cher frère,
Je te connais depuis mon enfance mais toi tu ne me connais pas, je t’écris sur un coup de tête sans y avoir jamais pensé avant, j’ai toujours espéré te parler et j’espère que tu me liras.
Sache que tu as été une personne importante dans ma vie bien qu’on ne se soit jamais rencontré, sache que mes mots sont emplis de sincérité, je ne saurais faire autrement. J’ai grandi avec toi et me suis construit avec tes leçons, j’ai compris chaque mot, chaque intonation, et je me sens proche de toi car mon parcours jusqu’ici est similaire au tien sous beaucoup d’aspects.
J’avais 14 ans la première fois que je t’ai écouté et je commençais déjà à goûter à la vie de rue, j’avais déjà entendu ton nom mais je ne m’étais jamais penché sur ta musique, de par sa forme elle ne m’attirait pas. Comme chaque weekend je squattais chez ma famille dans le 93 et un soir au moment de me coucher, mon grand cousin est entré dans le salon avec ton nouvel album, un futur classique que tu as nommé Temps Mort, je lui ai demandé de me le laisser ce soir pour que je puisse l’écouter dans mon discman avant de dormir, je ne savais évidemment pas le choc que ça serait pour moi (sinon je ne l’aurais pas mis avant de dormir car malgré le respect que j’ai pour cet oeuvre, elle n’a rien d’un album de chevet). Je ne vais pas m’étaler mais sache que je l’ai écouté 3 fois consécutives sans sauter une seule chanson. Je suis arrivé le lendemain au collège avec une petite mine mais j’avais eu une révélation. C’était bien entendu avant que je ne m’intéresse à la religion, j’étais encore dans l’ignorance concernant ce genre de sujets tu peux donc imaginer l’impact que cet album a pu avoir sur moi, je l’ai adopté.
Je n’ai pas eu de grand frère et j’ai du me faire seul dehors, j’étais blanc et j’ai habité dans des quartiers populaires en région parisienne fin des années 90 début 2000, tu dois imaginer ce que j’ai pu vivre, j’ai grandi en côtoyant la haine de près et en devant chaque jour avoir plus de courage pour sauvegarder mon honneur et ne pas me laisser humilier et écraser. C’est là que tu m’as donné de la force, plus je t’écoutais et plus j’apprenais à accepter que l’humain était sale et mal intentionné et que si on voulait briller dans la rue il fallait comprendre ses codes et agir sans pitié.
Ton meilleur couplet reste pour moi celui que tu as posé dans homme de l’ombre, il reflétait fidèlement ma pensée, le moment ou j’ai littéralement pété les plombs est quand tu as dit ces mots implicites : « Le froid du chrome sur la jambe ». J’avais marché tout l’hiver avec une arme à feu sur moi et il n’y avait que quelqu’un ayant vécu ça qui pouvait relever ce détail. J’entendais beaucoup de rumeurs rabaissantes à ton sujet et c’est a ce moment que j’ai définitivement compris que tu étais comme nous et que tu avais vécu la même vie de déboires. A partir de ce jour je n’ai plus laissé quiconque parler de toi en mal devant moi, je me suis même déjà battu avec mon pote pour toi (pour Rohff aussi) j’étais beaucoup trop émotif à cette époque lol.
Comme toi j’ai grandi seul avec ma mère et c’est elle qui m’a éduqué avant la rue, c’est ce qui m’a sauvé par la suite. Quand je suis entré en prison à 20 ans je n’ai écouté que 2pac, Biggie et toi, j’ai encore passé un autre cap dans la compréhension de ton art et tu m’as encore donné beaucoup de force. Parfois je t’ai vu évoluer d’une manière qui m’a déplu et je me suis senti trahi mais c’est juste que je n’étais pas assez mature, je ne comprenais pas. Tu m’a donné envie de rapper, tu m’as prouvé qu’il n’y avait pas que les mythomanes qui faisaient du rap et c’est ce qui m’a permis de me lancer, je pouvais rester le voyou que j’étais tout en m’exprimant sur ma vie en chanson.
Avant hier j’étais avec Sazamizy et Mala pour enregistrer un morceau avec eux, ce fut un honneur, car vous êtes d’une génération dont beaucoup de codes ont été perdus et ça m’a fait me sentir un peu plus proche de toi.
Aujourd’hui encore, presque 15 ans après ma rencontre avec ta musique, je suis devenu un rappeur respecté pour son art et son travail, j’ai moi aussi réussi en indépendant à mon échelle, j’ai appris le métier et compris que je pouvais faire moi même ce que font les maisons de disque, et je te respecte encore plus car je suis de nouveau confronté à ta réalité et je me sens boycotté, jugé à tort, calomnié et seul contre tous.
J’ai appris que tu étais devenu père et je t’adresse mes félicitations, j’espère te comprendre quand je le serai à mon tour incha Allah. Je veux que chacun sache que tout ce que j’ai dit ne s’apparente aucunement à de l’idolâtrie, que Dieu m’en préserve, c’est lui le tout puissant. On est Dimanche et j’ai eu envie de t’écrire une lettre pour t’exprimer mon respect et que les membres de ce mouvement le voient, ainsi que nos auditeurs, car malheureusement nous évoluons dans une époque ou les jeunes manquent de gratitude envers leurs aînés et je ne veux pas être de ces gens, tu as eu un rôle dans mon histoire et je veux que tous le sachent.
Je ne t’enverrai pas cette lettre par la poste, je la publierai sur mes réseaux, je pense qu’il y a plus de chances que tu la lises de cette manière.
Tes choix musicaux sont tes choix musicaux et je les respecte même si je n’adhère pas toujours, tu restes le numéro 1 incontesté et incontestable pour moi. Continue à rester fort, tu en as inspiré plus d’un. Tu es le seul à avoir fortement influencé deux générations. Tu es l’instigateur du Gangsta rap en France comme Eazy l’a été aux Etats Unis et personne ne pourra dire le contraire sans mentir. Tu as élevé la métaphore a un autre niveau, tu es probablement le meilleur écrivain français en vie avec Lino.
Je n’aurais jamais le temps de tout dire dans une lettre mais l’essentiel y est.
J’espère te rencontrer un jour en attendant, que Dieu te garde, te guide, te protège de tes ennemis et de tes amis.
Jarod, un ami qui ne te veut que du bien.